mercredi 5 octobre 2016

Politique, façons de dire, manières de penser


Slogan à la mode : faire France, faire société. La banalité du verbe d’action, la suppression de l’article, le télescopage du verbe et du nom donnent l’illusion de l’agrégat immédiat, du collectif consensuel. Mais ce slogan a l’inconvénient de faire slogan.

La langue politique connaît de grandes turbulences sémantiques, surtout en période électorale. La confusion ne résulte pas seulement des mots qu’on peut retourner en sens contraire : progrès, libéralisme, réforme, etc. Elle tient aussi à la manipulation de quelques procédés rhétoriques par oubli du contexte :
— confondre le virtuel et le factuel. Juppé parle d’« identité heureuse » comme d’un idéal à construire. Son adversaire feint de croire qu’il décrit un état présent, et lui oppose l’« identité malheureuse » de nos concitoyens.
— prendre le sens propre pour le figuré, et inversement. Sarkozy exige que les étrangers assimilés récitent leur histoire en commençant par « nos ancêtres les Gaulois ». On ose espérer qu’il entend cette profession de foi au sens dérivé d’une communion dans les valeurs de la République française, c’est-à-dire gauloise comme un coq. Mais il a martelé cette formule avec une telle assurance sans distance qu’on s’est demandé s’il ne la prenait pas lui-même au sens littéral.
— glisser d’une connotation à une autre. Bruno Le Maire aurait utilisé l’expression « nos femmes ». Le déterminant est sans doute maladroit, avec ce pluriel et cette marque de possession, mais au lieu de crier au paternalisme sexiste, il aurait été plus subtil de faire la distinction entre le « nos » de propriété et le « nos » affectif, celui qu’on entend dans La Marseillaise, par exemple.

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