lundi 18 juillet 2016

Paris - Nice


Travail de deuil, cellule psychologique, résilience, secouristes socio-psy : derrière ce discours compassionnel, on entend la précipitation d’une société soucieuse de remettre les victimes en état de marche pour qu’ils retournent au plus vite à l’industrie touristique : la saison ne fait que commencer.

Cette fois, pas de terroriste lourdement armé (les 15 tonnes du camion font office), mais un terrible attentat minutieusement préparé et toujours d’innocentes victimes. Faute de pouvoir apaiser les inquiétudes par des faits, on rassure par les mots attendus.

Les humoristes, les ironistes, les blogueurs blagueurs calent devant l’horreur : impossible de prendre de la distance. Est-ce que nous deviendrions graves ?

Au nombre des victimes virtuelles qui ne s’en remettront pas, il faut compter ceux qui auraient dû se trouver là et qui, au dernier moment, ont décidé de ne pas y aller.

Le discours sur les attentats évités ne peut convaincre que les non-victimes.

Parmi les victimes collatérales des attentats, les journalistes : le direct à flux tendu, tournant en boucle, met à nu leurs pauvres rouages médiatiques. La couverture médiatique laisse voir ses trous. Un tel parle du « chauffard » qui a foncé dans la foule ; une présentatrice météo tranche d’un « enfin une bonne nouvelle : il va faire beau » ; le directeur de la station, flairant les recettes à cette occasion de grande écoute, n’a pas jugé bon d’annuler « la page de publicité » euphorique sur le bonheur de consommer. Il aurait peut-être suffi que le terroriste terrorise le système médiatique et écrase (métaphoriquement) les spécialistes des chiens écrasés, en laissant la vie sauve à ceux qui n’ont pas demandé à être médiatisés.

« Être président, c’est être confronté à la mort, au drame », disait le président le 14 juillet, avant les feux d’artifice. Ce serait un sujet de Sciences Po : 1) thèse hégélienne : le maître s’affirme en face de la mort ; 2) antithèse pointant la dérive : le président se nourrit des morts, fonde sa légitimité sur la mort et le drame, attend la mort et le drame pour se présidentialiser ; 3) synthèse : et s’il était plus difficile d’être président dans la confrontation à la vie réelle, à la réalité vivante ?